Par: Jean-Yves Dionne, B.Sc., Pharmarcien
On me pose souvent des questions sur les probiotiques. Dans cette catégorie de suppléments, plusieurs termes sont utilisés et la distinction entre chacun d’eux n’est pas toujours claire. Qu’est-ce qu’un probiotique? Un prébiotique? Quels sont leurs usages, avantages et indications spécifiques? Je vais essayer d’y faire un peu de lumière.
Probiotique
Selon l’OMS, un probiotique «contient des monocultures ou des cultures mixtes vivantes de micro-organismes agissant de façon bénéfique sur l’organisme hôte (animal ou humain) en améliorant les caractéristiques de la microflore qui y réside».
Les probiotiques sont donc des micro-organismes, bactéries ou levures, qui ont un effet bénéfique sur l’individu qui les consomme. Ces bactéries peuvent se présenter seules (monocultures) ou en combinaisons (mixtes). Elle peuvent être vivantes (comme dans le yogourt) ou viables lyophilisées (séchées à froid, en état de dormance). L’efficacité des probiotiques varierait selon ces différentes caractéristiques.
Les bactéries vivantes sont-elles plus efficaces que les bactéries viables lyophilisées?
La réponse à cette question n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le croire à première vue. En effet, il est trop facile de présumer que les bactéries vivantes sont, à priori, plus efficaces que leurs contreparties dormantes. Par contre, les recherches disponibles sont majoritairement effectuées avec des souches de bactéries et/ou de levures séchées à froid.
Les bactéries vivantes se retrouvent dans un milieu comme un produit laitier ou un aliment lacto-fermenté. Quoique les yogourts soient de bons aliments, ils ne constituent pas de bons suppléments de probiotiques. Dans les yogourts commerciaux, les concentrations sont insuffisantes et le temps de survie de la plupart des bactéries actives y est limité. Les souches qu’ils contiennent sont choisies pour leur stabilité dans un environnement laitier, sans trop de considération pour leurs bienfaits santé. Un yogourt additionné de probiotiques doit être consommé moins d’une semaine après sa fabrication,(1) et même alors, la plupart des bifidobactéries n’y survivent pas.(2)
Certains produits laitiers fermentés contenant un compte bactérien suffisant de souches définies se démarquent (Bio-K, Danactive, etc.), mais ce ne sont pas à proprement parler des yogourts.
Les probiotiques sont surtout disponibles sous forme de capsules contenant des bactéries séchées à froid ou lyophilisées. Les souches bactériennes y sont choisies pour leur capacité à survivre à ce procédé de séchage et grand soin est pris pour assurer leur capacité à revivre.(3) Des études publiées comparent la pénétration et la survie des bactéries lyophilisées et vivantes et ne montrent aucune différence significative.(4)
Seule ou à plusieurs?
Les produits contenant des espèces multiples (parce qu’ils peuvent coloniser différents endroits du tractus digestif) semblent plus efficaces.(5,6) Plusieurs espèces peuvent travailler en même temps contre plusieurs mauvaises bactéries à différents endroits.
Prébiotique
Un prébiotique est une fibre soluble qui a la particularité de ne pas être digérée par nos enzymes, mais de servir de nourriture préférentielle pour les probiotiques. Les fibres ne sont pas toutes des prébiotiques, mais tous les prébiotiques sont des fibres. Il faut savoir que toutes les fibres alimentaires végétales sont des sucres. La cellulose, par exemple, est une très longue chaîne de glucose. Ces molécules de glucose sont reliées entre elles de façon à n’être pas digestibles par les enzymes. Elles demeurent donc intactes et passent au travers du système digestif en améliorant le transit intestinal, la régularité, etc.
Le principal prébiotique sur le marché est le fructo-oligo-saccharide (FOS). Son nom signifie courte chaîne de sucres principalement constituée de fructose. D’autres prébiotiques sont également disponibles : des dextrines à base de courtes chaînes de glucose et des arabinogalactans à base d’arabinose (un autre sucre).
Question de spécificité
Pour être vraiment efficaces, les prébiotiques doivent être spécifiques, c’est-à-dire qu’ils doivent nourrir les bonnes bactéries (les bifidobactéries et les lactobacilles) sans nourrir les mauvaises bactéries, ni les levures comme le candida.
Les fabricants de prébiotiques ont élaboré des scFOS (short chain FOS) ou oligosaccharides à très courte chaîne. Ces derniers semblent plus spécifiques que les FOS à chaînes plus longues comme l’inuline.
Synbiotique
Le terme synbiotique (avec un n et non un m avant le b) désigne la combinaison de probiotiques avec un prébiotique. Le raisonnement derrière cette association est logique, mais, malheureusement, les produits sur le marché contiennent généralement une dose de prébiotique insuffisante. Pour que l’effet d’un prébiotique soit mesurable, il faut un minimum de 3 g (3000 mg) par dose. Les capsules sur le marché en contiennent un maximum de 200 mg.
Choisir un pré ou un pro?
Il est difficile de choisir entre un prébiotique et un probiotique puisque leurs indications semblent similaires. En effet, ces deux types de produits (peu importe la marque de commerce) aident à améliorer l’écologie intestinale et augmentent le ratio bonnes bactéries versus mauvaises bactéries et levures. Alors, comment choisir? La réponse facile… et coûteuse serait de prendre les deux puisqu’il existe entre ces produits une synergie importante. Par contre, personne n’aime consommer (et payer pour) plus de suppléments qu’il n’en faut.
Les probiotiques ont la capacité de changer l’équilibre de l’écologie intestinale et de déloger certains pathogènes. Par contre, chez l’adulte, cet effet est restreint dans le temps. Les bonnes bactéries des suppléments ne colonisent l’intestin que durant la prise des probiotiques. Quelques semaines après l’arrêt de traitement, il ne reste que des traces de ces bactéries spécifiques. Ainsi, lors d’une infection (C. difficile, gastroentérite, turista, etc.), l’usage de probiotiques est primordial. Ces bonnes bactéries empêchent le pathogène de se nicher dans l’intestin et donc de causer des problèmes, ou, si l’infection est déjà installée, elles aident à déloger les mauvaises bactéries. Dans un cas d’infection ou de troubles aigus du système digestif, les probiotiques représentent donc le premier choix comme traitement, comme prévention ou en association avec le traitement médical.
Comme le système digestif contient déjà une population de bonnes bactéries, il est logique d’en favoriser l’accroissement. Une fois le problème aigu passé, les prébiotiques prennent toute leur place comme traitement de fond ou comme entretien et prévention. Les prébiotiques sont des agents de choix pour les problèmes de constipation chronique, les alternances de diarrhée et de constipation ou les diarrhées chroniques. Par contre, dans des maladies plus complexes et plus graves comme les maladies inflammatoires intestinales, les allergies et le syndrome de l’intestin irritable, les probiotiques semblent plus intéressants. Il n’existe pas de règle absolue, ni d’ailleurs de science absolue. Tout revient à un choix personnel empirique, basé sur la bonne vieille méthode d’essais et erreurs. Un produit peut être bon pour vous et moins bon pour une autre personne, et vice-versa.
La grande question, comment choisir un supplément de probiotiques
Pour un effet maximal, choisissez un produit contenant des bifidobactéries ET des lactobacilles. De plus, assurez-vous qu’il contienne plusieurs espèces différentes de ces deux familles de bactéries. Les produits contenant des espèces multiples peuvent coloniser différents endroits du système digestif et semblent, de ce fait, plus efficaces.(1,2)
Ensuite, vérifiez que le produit contienne des souches humaines de bactéries. Les souches animales sont peu ou pas efficaces chez l’humain. Pour trouver cette information (elle n’est malheureusement pas inscrite sur les bouteilles), vous devrez consulter les dépliants et les sites Internet des compagnies.
Troisièmement, prenez un produit en capsules ou en poudre. Quoique les yogourts soient de bons aliments, ils ne constituent pas de bons suppléments de probiotiques. Les souches qu’on y retrouve sont habituellement d’origine animale parce que les souches humaines ne survivent pas dans un environnement laitier.
Finalement, il n’est pas nécessaire de payer pour un nombre très élevé de bactéries. D’ailleurs, lorsque la dose quotidienne dépasse les 20 milliards, les utilisateurs se plaignent souvent de ballonnement. Je suggère de prendre un supplément contenant un maximum de 10 milliards de bactéries. Habituellement, 5 à 6 milliards suffisent, vous n’avez pas besoin d’en prendre plus.
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Consultez mon profil pour plus d' information, Jean-Yves Dionne, le 23 décembre 2009
Références:
1.11 Timmerman HM, Koning CJ, Mulder L, et al. Monostrain, multistrain and multispecies probiotics–A comparison of functionality and efficacy. Int J Food Microbiol. 2004 Nov 15;96(3):219-33.
2.11 Collado MC, Meriluoto J, Salminen S. In vitro analysis of probiotic strain combinations to inhibit pathogen adhesion to internal mucus. Food Res Intern. 2007;40:629-36
1. Nighswonger BD, Brasears MM, Gilliland SE. Viability of Lactobacillus acidophilus and Lactobacillus casei in fermented Milk Products During Refrigerated Storage. J Dairy Sci 1996;79:212-9.
2. Shah et al. Survival of Lactobacillus acidophilus and Bifidobacterium bifidum in commercial yoghurt during refrigerated storage. Int Dairy J. 1995;5:515-21.
3. De Angelis M, Gobbetti M. Environmental stress responses in Lactobacillus: A review. Proteomics 2004, 4, 106–122.
4. Rochet V, Rigottier-Gois L, Ledaire A, et al. Survival of Bifidobacterium animalis DN-173 010 in the faecal microbiota after administration in lyophilised form or in fermented product - a randomised study in healthy adults. J Mol Microbiol Biotechnol. 2008;14(1-3):128-36.
5. Timmerman HM, Koning CJ, Mulder L, et al. Monostrain, multistrain and multispecies probiotics–A comparison of functionality and efficacy. Int J Food Microbiol. 2004 Nov 15;96(3):219-33.
6. Collado MC, Meriluoto J, Salminen S. In vitro analysis of probiotic strain combinations to inhibit pathogen adhesion to internal mucus. Food Res Intern. 2007;40:629-36.